Sarah Halimi

Que s’est-il passé mardi, vers 4h, Rue de Vaucouleurs, dans le XIème arrondissement de Paris?

La seule vraie certitude, hélas, est que Sarah Halimi, juive de 66 ans, est morte défenestrée.

Concernant les circonstances, la presse classique est très prudente. La presse juive l’est beaucoup moins. Sur les réseaux sociaux, les accusations pleuvent. Je ne suis pas enquêteur et je n’ai aucune relation avec des sources proches de l’enquête, je m’abstiendrais donc d’entrer dans les détails.

Mais je donnerais tout de même deux éléments de contexte qui, à mon avis doivent être pris en compte.

Nous sommes en campagne électorale présidentielle avec un gouvernement socialiste sortant. Une situation analogue à celle de 2002 ou les questions d’insécurité avait contribué à l’échec de Lionel Jospin, candidat socialiste à la présidentielle, et donc à l’accession au second tour de l’élection du candidat d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen. 15 ans après, il parait évident que la multiplication d’actes et crimes antisémites à quelques jours du scrutin peuvent favoriser des réactions électorales imprévues et que le gouvernement est totalement conscient de cela. Cela ne sert à rien de crier au complot ou à l’absence de démocratie, c’est simplement évident et on peut même penser que c’est aussi le rôle des pouvoir publics d’éviter les vagues qui peuvent fausser le débat démocratique, sinon il suffit aux terroristes de frapper pendant les périodes électorales pour déstabiliser un pays.
Donc non, nous n’aurons pas toute la vérité avant le scrutin présidentielle, surtout si elle est aussi laide qu’on peut le soupçonner.

Et hélas, on ne peut guère faire autrement. Je ne suis pas juif. Je ne suis pas dans l’hystérie victimaire qui veut accuser un néo-nazi à chaque fois qu’un juif se casse un ongle. Je ne fais que constater les faits. Si l’on prend le meurtre d’Ilan Halimi comme point de départ, il y a 11 ans, le bilan des crimes et de la délinquance à caractère antisémite est lourd. Refuser la présomption d’antisémitisme, lorsqu’un juif est assassiné dans des circonstances troubles, est hélas d’une grande naïveté pour ne pas dire d’une coupable négligence. Je l’ai écrit il y a quelques heures seulement, il est évident que la France connaît une résurgence d’antisémitisme qui place à nouveau sa population juive sous une menace spécifique. Et chaque fait divers où un juif, ou même un cimetière juif, est impliqué ne peut que nous faire penser à un acte antisémite, au moins autant qu’aux autres mobiles possibles.
Donc oui, je pense et je crains très fortement que l’origine juive de Sarah Halimi a un rôle non négligeable dans son meurtre. Pas seulement comme mobile principal mais aussi, par exemple, comme « facilitateur » de passage à l’acte, parce que le racisme antisémite peut mener des criminels plus loin qu’ils n’iraient avec des non-juifs.

A titre tout à fait personnel, j’applique donc au meurtre de Sarah Halimi une « paranoïa lucide ». Je souhaite que toute la vérité soit faite et que les enquêteurs explorent avec la dernière minutie le moindre soupçon d’antisémitisme ou le plus petit préjugé antisémite qui a pu mener ou aider à l’issue terrible de ce drame, parce que je soupçonne lourdement que cela a eu une importance. Mais je sais pertinemment que cette exigence s’opposera à « l’intérêt supérieur de l’Etat » aux mains d’un gouvernement qui a toutes les raisons de ne pas laisser monter la température sécuritaire à 15 jours d’un scrutin présidentiel déjà très tendu, parce que je ne sais que trop bien que la vérité et la justice ne tiennent pas face à la raison de l’Etat français.

En attendant que ce bras de fer entre vérité et intérêt politique aboutisse, je relaie l’appel à la marche blanche en mémoire de Sarah Halimi qui aura lieu dimanche 9 Avril à 11h au métro Belleville et qui se dirigera vers la rue des Vaucouleurs.

Et j’en profite pour adresser à ses proches et à son entourage, à tous niveaux, mes plus sincères condoléances pour cette perte tragique.

Pug

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