Lettres d’Eretz: 12- Les débuts de Shmuel en Israël

Ce matin de novembre 1999, il fait froid à paris, il gèle même.

Je suis seul. Seul parmi ces gens, qui comme moi, attendent de présenter leurs bagages, et même leurs corps afin que de part et d’autre, nous puissions être déclarés aptes à l’embarquement pour ce vol qui, si je ne le sais pas vraiment, du moins je m’en doute sérieusement, va changer complètement  le cours de ma vie.

Cela fait quelques mois que je suis sans emploi. Suite à des désaccords mutuels avec mon employeur, il a été décidé de couper court a mon contrat d’animateur programmateur dans cette radio locale. Eh bien, il est donc temps de « faire quelque chose », me dis je et c’est comme cela que je décidai  de mettre une parenthèse dans ma vie et de partir découvrir Israël. En attendant d’obtenir mon passeport, je passerais quelques mois chez ma sœur aînée.

« Vous êtes seul? Votre carte d’embarquement et passeport! »

« Avez-vous fait vos bagages tout seul? Quelqu’un vous a t-il remis des objets à transmettre? » sont quelques unes des questions posées, il faut avouer que pour le commun des mortels qui n’y est pas habitué, cela peut légèrement déstabiliser et même légèrement énerver. C’est fait pour! Moi, je souris. Je suis content car enfin c’est mon tour.

Le vol, qui se passe bien, me permet de voir, entendre, sentir, observer m’étonner de cet échantillon de population qui, comme moi, est en partance pour la terre sainte. Ça parle, ça crie, ça rit, ça s’interpelle. Certains ont des kippas sur la tête, d’autres de gros chapeaux noirs. Certaines filles sont très bien vêtues alors que, à côté, certaines sont franchement très dévêtues. Certains parlent français mais lisent le journal en hébreu et d’autres apparemment font le voyage pour la première fois et semblent eux aussi légèrement étonnés de ce brouhaha. Ce n’est pas la première fois que je m’envole, mais la la différence est telle entre les petits vols calmes où chacun murmure à son voisin de peur de déranger et ce vol où chacun est chez soi dans cet avion de El-Al, que j’en suis tout de même assez abasourdi!

Je commence a me séparer du stress des mois d’attente et commence à jouir, non seulement du vol en lui-même et du repas fourni, qui me rappelle que mon ventre crie famine, mais aussi de la pensée que je quitte des moments au souvenir pénible qui appartiennent à des périodes  de ma vie que j’aimerais bien effacer à tout jamais. Devant moi, j’ai six mois qui vont me permettre de redéfinir le plan de ma vie, mais aussi de découvrir un autre pays, une autre mentalité et une autre culture.

Ils claquent des mains lorsque l’avion atterrit. « Sont fous… » Me dis-je en applaudissant moi aussi!

Le soleil d’Israël me souhaite le bonjour, le ciel est bleu et une douce chaleur m’enveloppe. Il est loin le froid de Paris, mais en descendant les marches de l’avion, c’est une autre sensation, toute bizarre qui m’enveloppe, me pénètre et m’assourdit. Je ne comprends pas, et même près de 19 ans plus tard, je ne comprend toujours pas ce qui s’est passé.

Le mieux est de le décrire.

Imagine-toi que tu es en vacances dans un lieu donné, loin de ta maison. Quand je dis maison, je pense cellule familiale, où tu es chez toi, protégé, aimé, soutenu, où les murs depuis ta tendre enfance ont entendus tes cris, tes pleurs, tes rires, ton langage et ont participes aux fêtes familiales et culturelles.

Bref, chez toi.

Donc tu es en vacances, et après un long séjour, tu rentres « chez toi », tu retrouves tes frères et sœurs, tes parents, ton lit, tout ce qui fait chez toi, et tu te sens bien, très bien même. Home Sweet home.

Et bien, ce sentiment, cette sensation, ce repos que l’on ressent tout naturellement m’a bousculé, pénétré, imprégné d’une manière si forte que même encore aujourd’hui, en y repensant, les frissons sont là.

Israël, je ne te connais pas, et pourtant, je sais d’une manière sûre et certaine que je suis à la maison.

Non, je ne suis pas juif, ni de religion, ni de sang. Bon, il paraît que notre arrière-grand mère, il paraît que…, mais rien de prouvé.

En tout cas, le pays en lui-même, je ne le connais pas. Ni sa flore, ni sa faune, ni ses habitants, ni ses rues, ni ses maisons, ni ses voitures. Rien! Mais je suis à la maison! Je le sais, c’est comme ça!

Je stresse. Le taxi m’a entourloupé et le temps passe. Je dois être au bureau des volontaires en kibbutz avant 16h00, et cet escroc m’a pris a l’arrêt des bus devant l’Aéroport, a roulé 30 mn, et m’a deposé à …30 mètres de là où il m’a pris! J’ai payé, il est parti, puis là, je découvre l’arnaque. En fait, je stresse plus que je ne fulmine, car je n’ai que deux cent francs français avec moi maintenant en poche, tout ce qui me reste, en fait. Et il me faut arriver au centre des volontaires de Tel Aviv, voir dans quel kibbutz je serais. Prendre le bus, c’est à dire payer le voyage depuis Tel Aviv jusqu’au kibboutz, alors que je n’ai aucune idée du prix et donc de ce qui me restera. Heureusement, un bon gars me conseille de prendre tel bus telle ligne ce qui me permet, à mon grand soulagement, d’atteindre ce fameux bureau de placement des volontaires en kibbutz à une heure qui s’avère très raisonnable. C’est assez essoufflé, tout de même, que je grimpe ces escaliers sans fin qui mènent au grenier qui sert de ‘bureau » à ce « centre de placement en kibboutz pour volontaire ». Quatre bureaux placés en L et 3 femmes m’accueillent. Je suis le seul en ce début d’après-midi à me présenter au bureau. Ca tombe bien, l’attente n’est pas mon passe-temps préféré et la patience n’est pas ma qualité première.

C’est pourtant une denrée essentielle lors que l’on arrive en terre sainte, je vais m’en apercevoir assez rapidement!

Adishatz, Pug

Shmuel

 

  

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