Le canon de Paris ou le mythe de la « Grosse Bertha »

L’office du Vendredi Saint battait son plein dans l’église Saint Gervais de Paris en ce vendredi 29 mars 1918 quand une explosion retentit. Une partie de la voûte s’effondre sur l’assistance, 91 personnes y perdront la vie et 68 seront blessées. L’église venait de subir la pire attaque de la vague de bombardement des Pariser Kanonen, les canons de Paris fort mal surnommés « grosse bertha » en France (la « grosse bertha » étant en fait une série de canons, de portée moindre, qui furent utilisés en Belgique) .

L'Eglise Saint Gervais après le bombardement du 29 mars 1918

Originellement destinés au bombardement de Londres depuis les côtes du nord de la France et de la Belgique, les futurs Pariser Kanonen sont le fruit du programme de canons longue portée de l’armée allemande. Baptisé officiellement Wilhelmgeschutze (l’engin-à-Guillaume), ce programme, dirigé par les docteurs Rausenberger et Otto von Eberhard fait appel aux techniques de métallurgie, de mécanique et d’aérodynamique les plus avancées de l’époque notamment pour les projectiles.

canon

Développé à partir de 1917, le premier prototype du canon réalise des prouesses en expédiant ses obus à plus de 100 km de distance et 50 km d’altitude (record pour un objet fabriqué par l’homme à cette époque). Mais il souffre aussi de gros défauts. Sa taille et son poids, près de 36 m. de long, le rendent difficile à manipuler. Cette longueur explique aussi son architecture tout droit héritée des ponts suspendus afin d’éviter que le tube ne se courbe sous son propre poids.  Enfin l’usure du tube était spectaculaire et imposait de le changer tous les 65 coups. A un point tel que les obus, numérotés de 1 à 65 devaient être tirés en séquence, chaque obus étant légèrement plus gros que son prédécesseur pour compenser l’usure. Pendant l’opération le calibre de l’arme passait de 210 à 235 mm et le poids des obus de 180 à 200 kg.

Installés début 1918 en forêt de Saint-Gobain, près de Crépy-en-Laonnois au nord de Paris, en arrière de la ligne de front, deux canons ouvrent le feu sur la capitale à partir du 23 mars 1918 à 7h du matin. Les canons étaient alors pointés sur le centre de Paris à plus de 120 km de là. Un tir et un pointage à une telle distance imposait de prendre en compte la rotondité et le mouvement de rotation de terre pendant le vol de l’obus. Le premier jour, 22 tirs sont effectués.

Équipage nécessaire à la mise en oeuvre d'une pièce.

Côté Français les explosions de ce 23 mars suscitent autant la peur que l’interrogation. On ignorait totalement d’où pouvaient venir ces explosions. On pense d’abord à un assaut de Zeppelins mais le ciel clair laisse peu de chance de passer inaperçu à ces énormes dirigeables. La même explication met aussi hors jeu les avions de bombardement. Le mystère dure quelques jours, car le lendemain les explosions reprennent malgré le vaste dispositif déployé par l’aviation de chasse française pour protéger la capitale. Très vite, seule reste la solution du canon longue portée, mais elle laisse plus que perplexe car  rien de semblable n’existe dans l’armée Française. C’est finalement, le 24 mars que les pièces allemandes sont découvertes et bombardées mais sans succès.

Lors de l’offensive allemande du printemps 1918, les canons géants suivent l’avance du front  et sont transférés à Beaumont-en-Beine à 109 km de Paris. En juin 1918 les canons sont à nouveau transférés au nord de Château-Thierry à seulement 91 km de la capitale. Cependant les Allemands furent rapidement délogés de cette position à cause de la contre-offensive alliée (2ème bataille de la Marne) de juillet 1918 ; les canons furent précipitamment réexpédiés à Beaumont-en-Beine d’où ils tirent encore sur Paris jusqu’au 9 août 1918.

Finalement c’est plus de 400 obus qui furent tirés dont 351 atteignirent Paris causant ainsi la mort de 256 personnes et en blessant 620 autres.

carte paris

Après guerre, aucun des canons de Paris ne tombent entre les mains alliées car les Allemands détruisent tout les documents et matériels pour protéger leur avance technique. Mais les Pariser Kanonen auront des clones Français durant les années 30 avec le programme TLP (très longue portée) qui enregistre des tirs à presque 130 km.

Vous vous demanderez sûrement quel est le rapport avec Israël ? Et bien pas grand-chose, c’est juste qu’on aime bien l’histoire militaire et vous la faire partager surtout lorsque elle est, en dépit des apparences, très mal connue en France.

Encore que, en fouillant bien, on trouve un rapport. Dans les années 80, un ingénieur en balistique Canadien, Gérald Bull vend ses services à l’Irak de Saddam Hussein. Son projet est de créer un super canon à la portée illimitée grâce à la satellisation de son projectile ! Seul un petit prototype sera finalement construit prés de Mossoul et il ne semble pas qu’il ait fait feu. Ce canon de près de 900 km de portée théorique devait être pointé vers l’Iran mais pouvait également atteindre Tel Aviv.  Grâce aux douanes européennes (une fois n’est pas coutume) qui interceptent des pièces et des documents, ce projet n’ira jamais à son terme. Gérald Bull aura une « fin mystérieuse » en mars 1990. Fin à laquelle, le Mossad ne serait peut-être pas étranger.

Buzz

Le chantier du canon géant irakien de Bull

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