Les Ailes de Feu : 2 – La première guerre mondiale

Le 28 Juin 1914, l’Archiduc François Ferdinand, héritier du trône autrichien, est assassiné à Sarajevo par un anarchiste serbe. En quelques jours, l’Europe entière est en état de guerre. La France et l’Allemagne, ennemies depuis plus de quarante ans et possédant des intérêts opposés, notamment dans le domaine colonial, entrent en guerre en août 1914. Les allemands sont à l’origine de la première offensive qui les mène jusqu’aux portes de Paris. L’aviation de reconnaissance détecte pourtant les mouvements allemands et permet un sursaut français,  lors de la bataille de la Marne, qui permet de stopper l’avance allemande. Désormais incapables de manœuvrer sans perdre des positions décisives les armées françaises, rejointes par les britanniques au nord, et les armées allemandes, s’enlisent dans une guerre de position.

Espérant réduire les forces ennemies par des bombardements d’artillerie intensifs puis par des percées brutales d’infanterie, chaque camp se lance dans la reconnaissance, la recherche d’information sur les positions ennemies pour mieux cibler les attaques. L’aviation révèle alors tout son avantage. Sans toutefois renoncer aux dirigeables d’observation qui permettent d’observer durant de longues périodes, les états-majors confient des missions de reconnaissance plus précises aux avions dont l’emploi est plus souple que les dirigeables. Une fois la cible reconnue et désignée, le bombardement d’artillerie peut commencer sous l’œil attentif d’officiers artilleurs qui évaluent la précision du tir depuis des avions qui survolent les tranchées.

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C’est pour empêcher sporadiquement ces missions de reconnaissance et de réglage d’artillerie que certains pilotes s’envolent avec des pistolets ou des fusils de chasse. En octobre 1914, un avion allemand est abattu par deux aviateurs français. C’est le premier combat aérien de l’histoire qui se solde par la destruction d’un avion. Dès lors, l’affrontement direct entre avions est envisagé. Devant la complexité du tir en avion, il est décidé d’installer des mitrailleuses en place arrière des avions biplaces pour leur donner à la fois la possibilité de se défendre mais aussi d’abattre d’éventuels ennemis rencontré lors des vols.

Mais bientôt pour chaque armée, le fait de protéger ses capacités de reconnaissance et de réglage d’artillerie par une aviation consacrée devient une nécessité. C’est la naissance de l’aviation de chasse, dont le rôle est d’attaquer les avions ennemis. Les techniques évoluant, il devient possible de tirer à travers l’hélice mettant ainsi l’axe de la mitrailleuse dans la direction du vol de l’avion. Le pilote peut alors être seul à bord et peut piloter tout en combattant. Tout au long de la fin de l’année 1914 et de au cours de l’année 1915, les pilotes allemands, britanniques et français se livreront à des combats aériens au gré de leurs rencontres dans le ciel. Déjà, certains pilotes s’illustrent comme Roland Garros pour la France et Max Immelmann pour l’Allemagne. Ce dernier donnera son nom à une figure acrobatique qui fut inventée par lui-même pour échapper à ses poursuivants tout en prenant l’avantage du combat.

Georges Guynemer davant le Spad 'Vieux Charles'

Georges Guynemer

Mais c’est durant la bataille de Verdun que l’aviation va réellement changer le cours de l’histoire de la stratégie militaire. Le 21 février 1916, les allemands commencent le plus terrible bombardement d’artillerie de la guerre. Des milliers de canons de tout calibre tirent sans relâche pendant plusieurs jours sur les premières lignes françaises. Des régiments entiers disparaîtront dans le bombardement, les quelques rescapés ayant perdu la raison. Avant et pendant le bombardement, les allemands ont fait sortir leur aviation de chasse en masse et les avions pourchassent sans répit les avions français. Pour la première fois de l’histoire, le ciel appartient à l’un des belligérants. C’est le premier cas de supériorité aérienne de l’histoire. L’Etat-major français est aveugle sans aviation de reconnaissance et sa riposte d’artillerie est tout aussi aveugle et donc inefficace. Devant l’ampleur du désastre et conscient du danger, l’Etat-major confie au commandant De Rose la mission d’organiser et de gagner la première bataille aérienne de l’histoire. L’armée française s’aperçoit qu’elle ne peut rien faire si l’aviation allemande est maître du ciel. Chaque manœuvre sera repérée, aucune reconnaissance ne sera possible, aucun tir d’artillerie précis ne sera possible.  Tant que l’aviation allemande sera incontestée en l’air, l’armée française ne pourra rien faire sur terre. L’aviation française, à son tour, s’organise pour livrer, non plus des combats isolés mais pour mener une réelle bataille aérienne. Cette bataille impliquera des centaines d’avions, une stratégie suivie et des objectifs précis. Les français s’élancent courageusement et, au bout d’une bataille aérienne de plusieurs semaines, faite de combats aériens de plusieurs dizaines d’avions à la fois et d’attaques d’aérodromes, ils parviennent à contester la suprématie allemande et à reprendre la maîtrise du ciel. Grâce largement à cette bataille aérienne, l’armée française reprend pied à Verdun et parvient à stabiliser le front après dix mois d’une bataille qui aura coûté la vie à 600 000 hommes.

Dès lors l’armée française prend conscience de la nécessité de maintenir la supériorité aérienne pour conserver la liberté d’action dans les airs et gêner la liberté d’action de l’ennemi.

Parallèlement, le bombardement par voie aérienne prend de l’ampleur grâce à des appareils plus gros, bimoteurs voire quadrimoteurs. Farman ou Vickers côté allié fournisse des avions de bombardement lourds qui peuvent emporter des charges de bombes toujours plus importantes. Les allemands ne sont pas en reste même s’ils privilégient les dirigeables Zeppelin pour le bombardement de Paris ou de Londres.

Fokker D1

Fokker D1

L’année 1917 verra l’aviation monter en puissance et devenir l’arme incontournable du conflit. Côté français, des hommes comme Georges Guynemer ou René Fonck font des ravages dans les rangs allemands tandis que les allemands alignent le fameux Baron Rouge,  Manfred Von Richthofen ou Hermann Goering. Mais l’ère du romantique pilote de chasse solitaire et chevaleresque est déjà terminée.

En mai 1918, l’armée française créé la 1ère division aéronautique quasi indépendante sous les ordres du Colonel Duval. Composée de plusieurs centaines de chasseurs et de bombardiers, cette division est la première unité aérienne à pouvoir intervenir massivement dans une bataille terrestre et son intervention lors de la seconde bataille de la Marne stoppe l’offensive allemande. Les britanniques, quant à eux, sont les premiers à créer une armée de l’air indépendante du commandement terrestre, la Royal Air Force. Lors de la bataille de Saint Mihiel, plus de 1400 avions alliés balayent le ciel et font reculer les troupes allemandes.

Grâce à l’aviation alliée, à la suprématie aérienne et au nouveau rythme de guerre imposé par les aviateurs, l’armée de terre retrouve sa mobilité et peut graduellement reprendre l’avantage sur les allemands.

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En novembre 1918, alors qu’un général américain audacieux planifie la première opération aéroportée de l’histoire qui prévoit le largage de 10000 hommes sur les arrières ennemis, les allemands prennent conscience qu’ils ne peuvent plus remporter le conflit et demandent l’armistice. Après quatre années d’une sauvage boucherie qui marquera durablement l’histoire des hommes, la 1ère guerre mondiale est terminée. La seule véritable certitude qui se dégage de cette guerre, c’est que l’aviation a définitivement changé le visage de la stratégie militaire. Le Maréchal Foch, commandant en chef des forces alliées en 1918, après avoir déclaré avant la guerre que l’aviation n’était que du sport, dira que « la victoire aérienne est le préalable à la victoire terrestre dont elle est le gage ». L’élite militaire alliée reconnaît que l’on ne peut plus remporter un conflit au sol sans l’avoir préalablement remporté dans les airs. L’aviation ne peut gagner la guerre à elle seule mais on ne peut plus gagner les guerres sans elle.

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